Durée de Détention des Biens Immobiliers : 13,7 ans en 2024, contre 10 ans en 2005
En 2024, les propriétaires en Île-de-France prolonge leur détention de biens immobiliers plus que jamais. Selon des études réalisées par les notaires du Grand Paris, la durée de détention des appartements atteint 13,7 ans, tandis que celle des maisons culmine à 15,8 ans. Cet allongement remarquable incarne un profond retournement du marché résidentiel. Quelles raisons poussent les propriétaires à retarder la vente de leurs biens ? Une conjonction de la baisse des prix immobiliers, de l’augmentation des taux d’intérêt et de nouvelles exigences réglementaires freine la mobilité résidentielle. Cet article examine les raisons derrière ce changement et ses implications sur les stratégies patrimoniales des ménages de la région.
Pourquoi la durée de détention des biens immobiliers s’allonge-t-elle ?
Une tendance marquée depuis 2005
D’après les données des Notaires du Grand Paris et de l’INSEE, la durée de détention des appartements n’était en moyenne que de 10 ans en 2005. Aujourd’hui, en 2024, elle a grimpé à 13,7 ans, soit une hausse impressionnante de 37%. Les maisons affichent une tendance similaire, passant de 12,7 ans en 2005 à 15,8 ans en 2024, résultant en une augmentation de 24%.
En analysant la période entre 2005 et 2015, la moyenne de détention était bonifiée à 10,2 ans pour les appartements. Cependant, entre 2016 et 2024, elle a atteint 12,1 ans. Cette prolongation du cycle de détention signale une faible mobilité résidentielle et une rareté des transactions. Les ménages conservent leurs logements plus longtemps, ce qui réduit la rotation du parc immobilier et la disponibilité de biens à la vente. En somme, l’Île-de-France incarne une mutation structurelle du marché immobilier français, marquée par une baisse des ventes et une rétention accrue des propriétaires dans leur résidence.
Paris enregistre la hausse la plus marquée
Dans la capitale, la durée moyenne de détention est passée de 11,4 ans en 2005 à 15,7 ans en 2024, soit une évolution notable de 38% en moins de vingt ans. Les studios parisiens illustrent cette tendance avec une durée de détention ayant grimpé de 40%. Les deux-pièces connaissent même une hausse vertigineuse de 65%, prouvant que les biens auparavant prisés pour leur liquidité deviennent aujourd’hui des investissements à long terme.
En Petite Couronne, la hausse est de 36% pour les appartements et 26% pour les maisons, tandis qu’en Grande Couronne, le même phénomène confirme que le ralentissement du marché dépasse les frontières de la capitale.

Quels facteurs expliquent cette évolution ?
Le vieillissement démographique joue un rôle clé dans le ralentissement du marché immobilier. En effet, les ménages plus âgés déménagent moins fréquemment, privilégiant une stabilité résidentielle qui réduit la rotation des biens. Ce phénomène est particulièrement visible dans les zones pavillonnaires de Grande Couronne, où des familles établies depuis longtemps conservent leur maison pendant plusieurs décennies. En conséquence, cette inertie devrait se renforcer avec le temps, les seniors, souvent propriétaires de longue date, devenant un facteur essentiel de stabilité, mais également de rareté sur le marché de l’offre immobilière.
Les contraintes réglementaires redéfinissent le marché
L’interdiction de la location de biens énergétiquement inefficaces pousse plusieurs propriétaires à vendre des biens détenus de longue date, générant un apport temporaire sur le marché de l’immobilier. Cette dynamique allonge mécaniquement la durée de détention moyenne des logements. D’autre part, la fin du dispositif Pinel réduit les incitations à l’investissement dans le neuf, diminuant ainsi les achats à des fins de revente après la période de défiscalisation. Les propriétaires-bailleurs se retrouvent alors confrontés à un dilemme : faut-il investir dans des rénovations énergétiques coûteuses ou vendre un bien détenu depuis plusieurs années ?
Les cycles de prix influencent les comportements
Le lien entre l’évolution des prix et la durée de détention des biens immobiliers est particulièrement visible à Paris, où les cycles de fluctuations influencent directement les décisions des propriétaires. Ainsi, entre 2005 et 2010, une période de hausse modérée des prix a stabilisé la durée moyenne de détention entre 8 et 9 ans, car les propriétaires attendaient l’atteinte d’un seuil de valorisation suffisant avant de mettre leur bien en vente.
Les hausses de prix favorisent la rotation
Les périodes de hausse des prix observées de 2010 à 2013 et de 2018 à 2021 ont diminué la durée de détention. Les propriétaires ont alors profité des hausses rapides des prix pour revendre plus rapidement et réinvestir. Au cours de la deuxième période, la chute des taux d’intérêt, parfois inférieurs à 1%, a facilité des déplacements vers des logements plus spacieux, réduisant la durée moyenne à 8 ans, un niveau plancher.
Le retournement du marché depuis 2022
Dès 2022, l’inversion du cycle, marquée par une baisse des prix et une hausse des taux, a modifié considérablement la donne. En 2024, la durée moyenne de détention atteint 13 ans, son plus haut niveau depuis vingt ans. Certains ménages ayant acquis leurs biens au pic du marché se retrouvent maintenant en moins-value latente, ce qui freine leurs décisions de revente. Ce phénomène génère un effet de gel, alors que les propriétaires retardent leurs décisions en espérant un redressement des prix, entraînant une rotation du parc historiquement faible.
Quelles conséquences sur le marché immobilier ?
Blocage des transactions en chaîne
L’allongement de la durée de détention des biens immobiliers impacte gravement la fluidité du marché. Les ménages souhaitant changer de logement se retrouvent bloqués, car la baisse de la valeur de leur bien et l’augmentation du coût du crédit limitent leur capacité d’emprunt. Ce phénomène fige la chaîne des ventes, bloquant l’accès à des logements plus spacieux. Les petits appartements restent sur le marché, faute d’acheteurs solvables, entraînant ainsi un enrayement du système : moins de ventes, moins de mobilité, et moins de rotation.
Ce phénomène touche particulièrement les jeunes propriétaires parisiens de studios ou de deux-pièces qui, souvent primo-accédants, ne peuvent plus envisager d’achat plus grand. Leur bien, qui devrait être un tremplin vers une résidence plus spacieuse, se transforme en un verrou patrimonial dans un marché devenu trop cher et rigide.
Des perspectives d’amélioration attendues en 2025
Les données préliminaires de 2025 laissent entrevoir une calme sur le marché immobilier francilien. Les prix semblent se stabiliser, tandis que les taux d’intérêt subissent une légère atténuation. Ces évolutions redonnent de la visibilité aux propriétaires, ouvrant la possibilité d’une reprise timidement amorcée des transactions après deux années de blocage.
Cette stabilisation pourrait ramener la durée moyenne de détention vers des niveaux légèrement inférieurs, sans cependant atteindre les seuils observés avant 2020. Les propriétaires continuent d’hésiter à vendre, mais des premiers signes d’un rééquilibrage progressif commencent à se manifester. Malgré cette amélioration, le marché francilien semble moins dynamique qu’avant 2022. L’association d’un crédit plus onéreux et d’un pouvoir d’achat restreint maintient la rotation des biens à un niveau bas. Il est fort probable que le retour à une fluidité normale prenne plusieurs années, le temps nécessaire pour restaurer la confiance et encourager la mobilité résidentielle durable.

