Valérie Létard, la ministre dédiée au Logement, met en lumière une réalité alarmante : le nombre d’expulsions locatives atteint un seuil historique en France. En 2024, pas moins de 24 556 ménages ont dû quitter leur domicile avec l’aide des forces de l’ordre, enregistrant une augmentation de 29 % par rapport à l’année précédente. Cette situation sans précédent est attribuée aux conséquences durables de la crise sanitaire et à l’inflation persistante qui fragilise toujours plus de familles. Dans le but de lutter contre cette crise sociale, le gouvernement a décidé de réactiver l’Observatoire national des impayés de loyers et de charges, créé en 2021. La ministre promet également un plan d’action robuste visant à prévenir les expulsions, à soutenir les ménages en difficulté, tout en maintenant un équilibre entre les droits des propriétaires et la protection des locataires.
Une augmentation préoccupante des expulsions locatives en 2024
Une tendance en forte hausse post-pandémie
La question des expulsions locatives a pris une ampleur alarmante en 2024. Avec 24 556 ménages expulsés de leur domicile grâce à l’intervention de la force publique, le pays atteint un pic historique. Comme l’a souligné Christophe Robert, délégué général de la Fondation pour le logement des défavorisés (anciennement nommée Fondation Abbé-Pierre), cela se traduit par environ 50 000 personnes expulsées.
Des causes multiples pour une crise du logement grandissante
Plusieurs éléments expliquent cette augmentation des expulsions locatives. Le cabinet de la ministre Valérie Létard met en avant les séquelles de la crise sanitaire liée au Covid-19, auxquelles s’ajoute une inflation continuelle qui impacte lourdement les budgets, notamment à cause de la flambée des prix de l’énergie. Ces deux événements ont fragilisé un grand nombre de ménages, incluant des classes moyennes, les rendant particulièrement vulnérables aux impayés de loyers.
Les associations de défense des locataires expriment également leurs inquiétudes. Elles dénoncent les effets de la loi du 27 juillet 2023, communément appelée loi anti-squat, censée protéger les logements des occupations illicites. Selon leurs affirmations, ce texte risque d’aller au-delà de ses objectifs initiaux, en pénalisant des locataires de bonne foi et en simplifiant les procédures d’expulsion tout en restreignant leurs voies de recours.
Mécanismes des impayés : le parcours vers l’expulsion
Du loyer impayé à l’expulsion : un chemin évitable
Les difficultés de paiement des loyers et des charges touchent de nombreux locataires en France. Chaque année, environ 1,5 million de ménages se trouve à un moment ou un autre en situation de retard ou d’impayés, d’après le ministère du Logement. Ces situations peuvent découler de diverses causes : un oubli, une dépense imprévue, une baisse temporaire des revenus, voire une perte d’emploi durable. Parmi ces 1,5 million de ménages, près de 500 000 reçoivent un La trêve hivernale : une protection temporaire précieuse
En France, le cadre législatif encadrant les expulsions locatives est strict. La trêve hivernale, en vigueur du 1er novembre au 31 mars, prohibe les expulsions durant cette période, offrant ainsi une protection temporaire aux locataires en difficulté. Toutefois, cette protection n’est pas sans exceptions : elle ne s’applique pas, par exemple, aux occupants illégaux ou aux logements sous arrêté de mise en sécurité. Une fois la trêve levée, les expulsions peuvent reprendre. Ainsi, les procédures s’accélèrent généralement à partir du 1er avril et ce, jusqu’à la fin octobre.
Face à l’aggravation de la situation, Valérie Létard a présidé le 5 mai 2025 une réunion de l’Observatoire national des impayés de loyers et de charges locativesInitiatives gouvernementales pour contrer la crise du logement
Réactivation de l’Observatoire national des impayés
» data-gt-translate-attributes= »[{‘ attribute tabindex=’0’ role=’link’>charges locatives. Cet organisme, mis en place en 2021 pour gérer les urgences sociales et sanitaires post-Covid, n’avait pas été convoqué depuis juillet 2023.
La ministre souhaite que l’Observatoire « s’ancre dans la durée » pour soutenir structurellement l’action gouvernementale en matière de prévention des impayés locatifs et des expulsions. Cette instance regroupe divers acteurs : organismes financiers publics (Banque de France, Caisse nationale des allocations familiales), professionnels de l’immobilier, acteurs du logement social et du logement accompagné, ainsi que des associations et des représentations des propriétaires et locataires.
Un plan d’action renforcé en vue
La ministre a confié à la Délégation interministérielle à l’hébergement et à l’accès au logement (Dihal) la mission de concevoir un plan d’actions pour mieux prévenir et traiter les impayés de loyers. Elle a également sollicité une collaboration avec les acteurs du secteur dans le but de créer des indicateurs réguliers, fiables et robustes. L’objectif est double : sécuriser les propriétaires bailleurs, dont certains dépendent des loyers pour vivre, tout en protégeant les locataires de bonne foi contre les risques d’exclusion et de mise à la rue.
Parallèlement, le gouvernement maintient ses financements actuels, comprenant 3,7 millions d’euros pour les Commissions de coordination des actions de prévention des expulsions (CCAPEX) et 4 millions d’euros pour les équipes mobiles de prévention déployées dans 26 départements depuis 2021. Ces équipes, formées de travailleurs sociaux et de juristes, interviennent à domicile auprès des personnes menacées d’expulsion qui ne peuvent être joignables par téléphone ou par e-mail, une initiative inédite permettant de toucher les ménages les plus isolés.
La ministre a aussi fait référence aux réflexions parlementaires en cours sur l’investissement locatif, dirigées par Marc-Philippe Daubresse et Mickaël Cosson, qui pourraient conduire à de nouvelles mesures législatives. Enfin, Valérie Létard a fixé une nouvelle réunion à l’automne 2025 afin d’évaluer l’efficacité des dispositifs instaurés sur la base de données consolidées et d’envisager d’éventuels ajustements.
Comme le souligne la ministre dans son communiqué : “Il nous revient collectivement de prévenir la précarité, de sécuriser les parcours résidentiels et de maintenir l’équilibre entre bailleurs et locataires. C’est une responsabilité partagée, et un impératif d’intérêt général.”
Fonds de Solidarité pour le Logement : un outil essentiel mais sous-utilisé
Un dispositif aux multiples facettes pour prévenir les expulsions
Le Fonds de Solidarité pour le Logement (FSL) s’affirme comme un levier crucial dans la lutte contre les expulsions locatives. Institué par la loi Besson du 31 mai 1990, ce fonds est actuellement administré par les départements et bénéficie d’un budget annuel de 330 millions d’euros à l’échelle nationale.
Le FSL peut intervenir sous différentes formes. Il offre une aide financière pour l’entrée dans le logement (dépôt de garantie, premier loyer), ainsi que pour le maintien dans les lieux en cas de dettes locatives. De plus, il prend en charge certaines factures telles que celles d’énergie, d’eau ou de téléphone, tout en proposant un accompagnement social aux ménages fragilisés. Cet outil global vise à garantir la stabilité résidentielle.
Des disparités territoriales significatives
Malgré son importance, l’impact du FSL demeure inégal sur le terrain. Chaque département fixe ses propres critères d’attribution, ce qui engendre de fortes disparités d’une localité à l’autre. En conséquence, l’aide accordée peut varier considérablement selon le lieu de résidence.
Un autre obstacle majeur réside dans le manque de visibilité du dispositif. De nombreux ménages en difficulté ignorent son existence ou ne savent pas comment y accéder. Les démarches, souvent jugées complexes, dissuadent ceux qui en auraient le plus besoin. Pour pallier ces problèmes, une meilleure coordination entre les acteurs — départements, CAF, bailleurs sociaux et privés — serait essentielle. Cela permettrait une utilisation plus cohérente et efficace du FSL, et contribuerait ainsi à une réelle prévention des expulsions.