À la suite de l’essor considérable des meublés de tourisme dans les zones tendues, l’accès au logement pour les résidents permanents est devenu un défi incontournable. La loi n° 2024-1039, adoptée en novembre 2024, introduit des dispositions novatrices pour renforcer la régulation des meublés de tourisme. Ces mesures visent à établir un équilibre entre transition écologique, protection des résidents, et encadrement strict des locations de courte durée. En plus d’imposer de nouvelles obligations énergétiques, de définir des plafonds de location, et d’alourdir les sanctions, cette législation constitue un point de basculement dans la lutte contre les déséquilibres du marché locatif. Publiée au Journal Officiel le 20 novembre 2024, elle propose des solutions tangibles aux problèmes structurels du marché locatif.
Pourquoi une régulation plus stricte des meublés de tourisme ?
L’explosion des plateformes comme Airbnb et Abritel a profondément modifié l’utilisation des logements dans les zones touristiques. Les dernières statistiques révèlent qu’à Paris, près de 30 % des logements des arrondissements les plus prisés sont réservés aux meublés de tourisme, souvent au détriment des résidents permanents. En conséquence, les loyers dans ces quartiers ont bondi de 15 % en l’espace de cinq ans.
La loi n° 2024-1039 du mois de novembre 2024 répond donc à deux enjeux majeurs. D’une part, elle cherche à limiter l’éviction des résidents permanents dans ces zones tendues, en favorisant la disponibilité de logements destinés à la location longue durée. D’autre part, la loi s’inscrit dans une dynamique de transition écologique, en imposant de nouveaux critères énergétiques pour des biens qui, jusqu’alors, n’étaient pas soumis à de telles normes.
Ainsi, ces mesures illustrent clairement la volonté de l’État de tempérer l’impact du tourisme sur le tissu social et urbain des grandes métropoles. Elles traduisent une réponse proactive aux enjeux climatiques, en alignant les normes des meublés de tourisme sur celles des résidences principales.
Nouvelles exigences en matière d’efficacité énergétique pour les meublés de tourisme
Une réforme axée sur la transition écologique
Pour les meublés de tourisme situés dans les communes où une autorisation de changement d’usage est requise, les propriétaires devront désormais prouver que leur bien respecte les normes du Diagnostic de Performance Énergétique (DPE), ce qui impose une conformité énergétique rigoureuse pour ces logements.
À partir du 1er janvier 2034, seuls les logements classés de A à D pourront être proposés en tant que meublés de tourisme.
Cette initiative poursuit trois objectifs principaux :
- Favoriser l’amélioration des hébergements touristiques. Ainsi, la loi incite les propriétaires à investir dans des rénovations durables.
- Réduire la consommation énergétique au niveau national. C’est d’autant plus important, les logements représentant environ 30 % des émissions de CO2.
- Prévenir le détournement de logements énergétiquement inefficaces. En effet, ces biens sont souvent réservés pour des locations à vide, tandis qu’ils pourraient être rentabilisés dans le secteur lucratif des meublés de tourisme.
Des contrôles renforcés pour assurer la conformité
Les maires des communes concernées auront la capacité de demander un DPE aux propriétaires à tout moment. En cas de non-présentation de ce document dans le délai de deux mois, les autorités appliqueront une astreinte de 100 € par jour. De surcroît, elles pourront infliger des amendes administratives atteignant 5 000 € pour les locations non conformes, un montant substantiel visant à décourager les abus.
Encadrement des locations en zones tendues
Restrictions strictes sur la durée des locations
Dans les zones les plus touchées par la crise du logement, telles que Lyon ou Bordeaux, les municipalités auront la possibilité de ramener la durée maximale de location de 120 jours à 90 jours par an pour les résidences principales. Cette mesure, prévue pour entrer en vigueur en janvier 2025, a pour but de libérer des logements pour les habitants locaux, souvent évincés au profit des visiteurs temporaires. Elle répond ainsi aux abus observés dans des quartiers comme le Vieux-Lyon, où le nombre de meublés touristiques a explosé de 40 % en cinq ans. L’objectif est de mieux réguler cette croissance accélérée.
Établissement de zones réservées aux résidences principales
À travers le Plan Local d’Urbanisme (PLU), les communes peuvent désormais imposer une servitude de résidence principale pour les nouvelles constructions dans des zones spécifiques. À Marseille, par exemple, une telle disposition pourrait restreindre le nombre de résidences secondaires dans les quartiers historiques. Les maires auront également la possibilité d’imposer des astreintes allant jusqu’à 1 000 € par jour en cas d’infraction. Ces initiatives cherchent à garantir l’accessibilité du parc résidentiel aux habitants permanents, tout en maintenant le dynamisme économique de la région.
Régulation des meublés de tourisme : durcissement des sanctions pour non-conformité
Amendes renforcées pour les manquements
Les sanctions liées à la non-conformité aux obligations légales deviennent plus sévères. Par exemple, un propriétaire ne respectant pas les règles d’autorisation de changement d’usage à Paris peut désormais être condamné à une amende pouvant atteindre 100 000 € par logement. Cette augmentation significative par rapport à l’ancien plafond de 50 000 € reflète la volonté du législateur de sévir contre les abus fréquents.
Encadrement des plateformes de location
Les plateformes de location auront l obligation de veiller à ce que les biens répertoriés respectent les nouvelles exigences. Si une commune identifie des annonces de logements non conformes ou réputés insalubres, elle pourra ordonner leur retrait. En cas de refus, les autorités peuvent prendre des mesures coercitives, pouvant aller jusqu’à interdire temporairement l’exercice d’activité dans certaines zones.
Fiscalité et copropriétés : ajustements des règles
Réforme des abattements fiscaux
La nouvelle fiscalité instaure des modifications significatives pour encadrer les avantages fiscaux accordés aux meublés de tourisme. Ainsi, les propriétaires de meublés classés bénéficieront d’un abattement réduit à 50 %, contre 71 % auparavant, tandis que ceux louant des biens non classés verront cet abattement fixé à 30 %. De plus, le plafond des revenus annuels pouvant bénéficier de ces abattements a été abaissé à 77 700 €. Cela réduit notamment les bénéfices fiscaux des gros investisseurs dans le secteur des locations touristiques.
Ces réformes, qui entreront en vigueur pour l’imposition des revenus de 2025, visent plusieurs objectifs. Tout d’abord, elles diminuent l’écart fiscal entre les meublés de tourisme et les logements loués à long terme, souvent moins attractifs pour les propriétaires. Cette mesure encourage maintenant les bailleurs à privilégier les contrats de location longue durée, mieux adaptés aux besoins des résidents dans les zones tendues. Elle s’inscrit également dans une logique de régulation, en restreignant l’attrait des investissements massifs dans le secteur touristique.
Une simulation de l’administration fiscale estime que cette réforme pourrait engendrer un surplus de recettes d’environ 150 millions d’euros par an. Ces fonds supplémentaires pourraient être réinvestis dans des politiques locales visant à favoriser l’accès au logement et à soutenir les communes touchées par la pression exercée par les meublés de tourisme. Enfin, ces ajustements renforcent l’équité fiscale en corrigeant les déséquilibres entre les divers types de bailleurs.
Nouvelles obligations pour les copropriétés
Les copropriétaires bénéficient désormais d’un pouvoir élargi pour interdire la location en meublé de tourisme au sein de leur immeuble. Grâce à la loi n° 2024-1039, une simple modification du règlement de copropriété</div><div class=glossaryItemBody>Le <strong>règlement de copropriété</strong> est le document juridique définissant les règles relatives à l’utilisation et à la gestion des parties communes et privatives au sein d’une copropriété. »>règlement de copropriété suffira, sous réserve d’une approbation à la majorité des deux tiers, contre l’unanimité requise au préalable. Cette évolution simplifie le processus décisionnel et permet aux résidents de mieux défendre leurs intérêts face à l’essor des locations touristiques.
Cette mesure est particulièrement pertinente dans des villes comme Nice ou Montpellier, où les tensions entre résidents permanents et propriétaires de meublés de tourisme sont fréquentes. Dans certains immeubles, la prolifération des logements dédiés aux touristes entraîne une dégradation de la qualité de vie, avec des effets tels que nuisances sonores, rotation rapide des occupants, et réduction du sentiment de communauté. En permettant aux résidents de reprendre le contrôle sur l’affectation des logements, cette réforme offre une réponse légale à ces désagréments.
Par ailleurs, cette faculté s’inscrit dans un cadre de préservation des logements à usage d’habitation, en interdisant les meublés de tourisme. Les copropriétaires peuvent ainsi favoriser la stabilisation des quartiers et limiter les effets pervers de la spéculation immobilière. Cette initiative pourrait également inspirer d’autres villes touristiques à mettre en place des réglementations similaires pour protéger leur tissu social et résidentiel.
Impact sur les zones touristiques et le marché locatif
Une occasion de rééquilibrer le marché
En appliquant ces nouvelles règles, les communes comme Biarritz ou Annecy espèrent récupérer entre 5 % et 10 % de logements pour des locations à long terme d’ici 2026. Ces villes ont en effet vu leur parc locatif se réduire considérablement au profit des meublés touristiques, entraînant des conséquences négatives sur le tissu social et économique local.
Un modèle adaptable aux réalités locales
Des initiatives telles que des quotas ou des zones à usage exclusif démontrent une volonté d’adapter les politiques publiques aux spécificités des territoires. Ces mesures offrent aux municipalités des outils flexibles pour mieux gérer l’impact des meublés de tourisme sur leur parc résidentiel. Elles répondent ainsi aux particularités locales, qu’il s’agisse de la saturation touristique dans certains quartiers ou de la pénurie de logements pour les résidents permanents.
À Saint-Malo, par exemple, l’établissement de quotas a permis de réduire de 15 % le nombre de meublés de tourisme dans des zones particulièrement recherchées en seulement deux ans. Ces résultats positifs attestent que des mesures ciblées et localisées peuvent avoir un impact significatif sur la reconfiguration du marché immobilier. En ajustant les quotas au fil des années en fonction des besoins en logements et de l’évolution du tourisme, les municipalités peuvent efficacement adapter leurs politiques.