Dans le contexte actuel d’urgence climatique et d’augmentation des coûts énergétiques, la question des passoires thermiques prend une ampleur cruciale. La sénatrice Amel Gacquerre a proposé une loi destinée à clarifier les conditions d’interdiction de location des logements à faible performance énergétique. Ce projet, qui bénéficie d’un soutien transpartisan, met en avant des ajustements pratiques comme l’application progressive des règles, des dérogations bien encadrées, tout en garantissant un équilibre dans les droits des propriétaires et des locataires. Dans le cadre de la réforme en cours dans le secteur immobilier, cette initiative soulève une question centrale : comment allier performance énergétique et équité sociale dans la location des logements énergivores ?
Location des logements énergivores : une nécessité face aux enjeux écologiques et sociaux
Impact environnemental des logements énergivores
La problématique des passoires thermiques n’est pas une simple question technique, elle s’impose comme un révélateur des enjeux écologiques et de justice sociale. Le secteur du bâtiment génère à lui seul 18 % des émissions nationales de gaz à effet de serre, le plaçant en troisième position des secteurs les plus polluants en France, derrière le transport et l’agriculture.
Avec près de 80 % des logements prévus en 2050 déjà existants, il est urgent de rénover. Cela correspond précisément à l’objectif du diagnostic de performance énergétique (DPE), qui identifie les logements classés F et G, typiquement énergivores.
L’interdiction progressive des logements classés G
A partir du 1er janvier 2025, la loi interdira la location de logements classés G. Cette mesure touchera environ 2 millions de logements, dont 600 000 actuellement loués. Les copropriétés, représentant 250 000 logements dans cette catégorie, font face à des difficultés croissantes. Des obstacles juridiques et techniques entravent souvent la réalisation des travaux nécessaires.
Clarification des réglementations sans entraver la transition énergétique
Une initiative législative attendue avec impatience
Pour pallier ces défis, la sénatrice Amel Gacquerre a soumis un projet de loi visant à clarifier les conditions d’interdiction de location pour les passoires thermiques. Ce texte s’inscrit dans une démarche transpartisane, déjà soutenue à l’Assemblée nationale par Bastien Marchive (Parti radical) et Iñaki Echaniz (Parti socialiste), même si elle n’a pas été adoptée à ce stade.
Des mesures pragmatiques et progressives
Le projet de loi propose une application progressive des règles : seuls les nouveaux contrats de location seront affectés, permettant ainsi aux baux en cours de rester valides jusqu’à leur renouvellement. Cette flexibilité permet d’éviter un choc brutal sur le marché locatif, tout en maintenant l’incitation à rénover.
Dérogations claires pour une mise en conformité réaliste
Reconnaissance des contraintes techniques et juridiques
En pratique, certaines rénovations s’avèrent impossibles à réaliser en raison de circonstances telles que des bâtiments classés, la résistance des copropriétés aux travaux, ou des contraintes structurelles. Ainsi, le projet de loi permet des dérogations temporaires, à condition que les propriétaires puissent justifier leur situation.
Cette approche s’harmonise avec la jurisprudence administrative actuelle, qui reconnait la difficulté technique comme un frein légitime. Elle est en phase avec les dispositions du Code de la construction et de l’habitation, notamment les articles L.111-10-1 à L.111-10-5.
Un équilibre entre les droits des bailleurs et des locataires
Autre avancée significative : la loi prévoit une minoration proportionnelle du loyer lorsque le logement ne respecte pas les normes énergétiques. Cela permet aux locataires de bénéficier d’un ajustement équitable du loyer en fonction de la performance réelle de leur logement.
De plus, la loi protège les propriétaires en affirmant que si un locataire s’oppose ou empêche la réalisation des travaux de rénovation énergétiques, le propriétaire ne sera pas tenu responsable. Ainsi, le texte établit un équilibre des responsabilités entre propriétaires et locataires dans la gestion des passoires thermiques.
« Ce texte vise à rendre plus claire l’application des obligations de décence énergétique. Il privilégie la rénovation tout en tenant compte des réalités du marché locatif, qu’il s’agisse de contraintes architecturales ou d’oppositions au sein des copropriétés », souligne Amel Gacquerre.
Une réforme concertée pour une accélération de la rénovation collective
La commission des affaires économiques du Sénat, sous la direction de la rapporteure Sylviane Noël (LR), a renforcé la clarité du cadre légal. Le gouvernement a élargi les critères pour les dérogations, permettant d’accorder des exemptions en cas de contraintes patrimoniales, architecturales ou si les coûts d’adaptation apparaissent disproportionnés.
Enfin, la proposition de loi s’appuie sur un texte complémentaire adopté le 20 mars 2025, porté par le sénateur Michaël Weber (SER). Ce texte vise à adapter le DPE aux bâtiments anciens, souvent désavantagés par des critères peu adaptés (murs épais, matériaux anciens, absence de double vitrage standardisé). L’objectif est de proposer un DPE plus fidèle au confort thermique réel, afin d’éviter des interdictions inappropriées. Le Sénat a ainsi l’intention d’assurer une coordination législative efficace pour aborder de manière globale la question des passoires thermiques.
L’examen en séance publique est prévu pour le 1er avril prochain.